Pas de risque zéro, mais pas de fatalité

Rubin Sfadj
2 min readNov 14, 2015

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Certes l’émotion est immense ; elle dépasse largement les frontières de la France et de l’Europe. Certes l’horreur est absolue, au-delà de l’imaginable. Mais aucun discours martial, aucune nouvelle mesure liberticide, aucune chasse aux sorcières, aucun défoulement ni aucun repli ne nous sortira de l’ornière. La tentation de l’extrême est humaine, mais nous ne ferions que nous rapprocher de l’abysse.

Reste que la modération n’exclut pas la lucidité. Et, en essayant de garder la tête froide dans la tourmente, un constat s’impose : il est urgent de revoir notre stratégie anti-terroriste.

Comme Merah, les frères Kouachi, Coulibaly et comme les fameux “loups solitaires” qui courent nos rues depuis bientôt dix ans, au moins une partie des terroristes du 13 novembre étaient “connus des services de renseignement”. Comprendre : ils faisaient ou avaient fait l’objet de mesures de surveillance, sans que personne ne puisse prédire leur exactions, et encore moins les empêcher.

Bien sûr, on répondra que nous faisons face à une vague terroriste sans précédent ; qu’aucun dispositif ne permet hélas d’empêcher tous les attentats ; que les services travaillent néanmoins jour et nuit en ce sens ; et qu’on ne saurait ignorer le nombre impressionnant d’attaques régulièrement déjouées.

Il ne s’agit évidemment pas de reprocher quoi que ce soit aux policiers français, héroïques hier soir dans tout Paris. Bien au contraire.

Mais justement : s’il est impossible de prévoir tous les attentats, pourquoi y mettre toujours plus de moyens, surtout au prix d’une surcharge inhumaine du volume de traitement pour les services et de pertes de liberté inacceptables pour les citoyens ?

Faudrait-il concentrer tous les efforts de police sur la détection des terroristes potentiels, mais s’en remettre à la providence chaque fois que le système ne fonctionne pas comme prévu ?

Autrement dit : puisque la stratégie employée est imparfaite par nature, pourquoi ne pas essayer autre chose ?

Entre le risque zéro et le carnage absolu, il existe des degrés de fatalité — y compris en cours d’attentat. La sécurisation des lieux publics peut être renforcée ; les effectifs augmentés et mieux formés ; les stratégies de réponse perfectionnées ; les délais d’intervention améliorés.

Les moyens de l’État, on le sait, ne sont pas illimités. Vaut-il plutôt alors continuer de bâtir un Panoptique aux résultats incertains ou mieux financer une police qui, à chaque réflexe bien senti, par chaque décision intelligente, pour chaque seconde gagnée, saura sauver des vies ?

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