Pourquoi Benoît Hamon a tout intérêt à se retirer au profit d’Emmanuel Macron
Démonstration en trois étapes
1. Le contexte : une primaire aux allures de congrès
À quelques jours du scrutin, Jean-Christophe Cambdadélis admettait implicitement qu’en-dessous de 2 millions d’électeurs, la question de la légitimité de la primaire se poserait.
Les premières estimations faisant état d’une participation entre 1,7 et 1,9 million de personnes, on était assez près du seuil fatidique pour que candidats comme organisateurs qualifient l’opération de « succès » (on a les ambitions qu’on peut). Mais le chiffre définitif est de 1,35 million, ce qui est très faible en comparaison aussi bien de la primaire de la droite que de la précédente primaire de la gauche.
Certes, c’est le niveau de participation au second tour qui comptera au final. Mais dans un contexte où Macron et Mélenchon semblent déjà loin devant, cette primaire aura du mal à imposer sa loi au-delà des frontières du Parti socialiste. Mais pour celui qui est en passe de la remporter, là n’est peut-être pas le plus important…
2. Le vainqueur : Benoît Hamon, entre Fillon du PS et Corbyn à la française
C’est devenu la mode, en démocratie, de déclarer que les médias et les sondeurs ne voient jamais rien venir et se trompent toujours sur tout. Mais pour qui a suivi même d’un œil distrait cette primaire, la pole position de Benoît Hamon n’a rien d’étonnant.
S’il fallait tirer un enseignement politique de la primaire de la droite et du centre, c’était bien que la tendance était à faire émerger le candidat le plus proche de la base idéologique de son parti. Chez les Républicains, ce fut François Fillon (même s’il a profité de l’effondrement de Sarkozy), conservateur sur les questions de société et libéral sur l’économie. Au Parti socialiste, depuis que Martine Aubry s’est retirée sur ses terres, son miroir parfait n’est autre que Benoît Hamon, progressiste sur les questions de société et étatiste jusqu’au bout des ongles sur l’économie.
Les quelques idées neuves qu’on lui prête n’ont pas grand chose à voir là-dedans : sur le revenu universel, par exemple, il a été particulièrement mauvais lors du troisième débat, ce qui ne l’a pas empêché de faire la meilleure impression. Ce qui compte, en revanche, c’est qu’il se présente comme le champion d’une gauche qui, déçue par l’exercice du pouvoir et concurrencée par le populisme, se recroqueville sur ses certitudes idéologiques. Voir : Jeremy Corbyn dans l’Angleterre du Brexit, ou Bernie Sanders aux États-Unis de Trump.
3. Le deal : à Macron l’élection, à Hamon le parti
Participation en berne, élimination programmée de Manuel Valls, repli du PS sur sa base idéologique la plus rigide… Tous les voyants sont au vert pour un Emmanuel Macron qui se retrouve dans une position de force qui aurait relevé du fantasme il y a trois mois.
Déjà, avant même le premier tour, les ralliements de masse avaient commencé à Lyon, à Montpellier et probablement ailleurs, de façon un peu plus discrète. Les élus PS les plus téméraires ont déjà sauté le pas ; les autres, par manque de conviction ou pour mieux se vendre, attendent encore leur heure. Les 7% d’intentions de vote dont était récemment crédité Benoît Hamon à la présidentielle risquent d’accélérer le mouvement, peut-être même dès l’entre-deux tours.
La question n’est donc pas de savoir si les élus PS soutiendront le candidat socialiste, mais si ceux qui quitteront le navire pour sauver leur place à l’Assemblée seront assez nombreux — et assez persuasifs — pour forcer le vainqueur de la primaire à jeter l’éponge. Or, de tous les candidats, Hamon sera le moins difficile à convaincre : s’il y va et arrive cinquième du premier tour, il se suicide politiquement et emporte le PS avec lui ; s’il n’y va pas, il peut capitaliser sur sa victoire à la primaire pour prendre le contrôle du parti.
Que feriez-vous à sa place ?